Retour sur les récentes décisions rendues par la Cour de cassation

 

Le droit aux congés payés conditionné par un travail effectif

Le Code du travail français prévoit que le salarié acquiert des congés payés en contrepartie d’un travail « effectif » (Article L.3141-3).

L’article L.3141-5 du Code du travail énumère les périodes considérées comme du travail effectif :

« 1° Les périodes de congé payé ;

2° Les périodes de congé de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant et d’adoption ;

3° Les contreparties obligatoires sous forme de repos prévues aux articles L. 3121-30L. 3121-33 et L. 3121-38 ;

4° Les jours de repos accordés au titre de l’accord collectif conclu en application de l’article L. 3121-44 ;

5° Les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle ;

6° Les périodes pendant lesquelles un salarié se trouve maintenu ou rappelé au service national à un titre quelconque. »

Aussi, il en résulte que l’arrêt maladie simple (hors accident ou maladie de nature professionnelle) ne permet pas d’acquérir des congés payés.

S’agissant d’un arrêt de travail d’origine professionnelle, la période considérée comme travail effectif ne peut être supérieure à un an.

Ces dispositions valent naturellement en l’absence de stipulations conventionnelles plus favorables.

 

Une solution conforme au droit européen

Or, la Cour de cassation a jugé cette règle contraire à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

En effet, dans plusieurs décisions rendues le 13 septembre 2023, la Cour de cassation a ainsi rappelé que le droit au congé annuel payé constitue un principe essentiel du droit social de l’Union (CJUE 6 novembre 2018, Stadt Wuppertal c/ Bauer, C-569/16 et Willmeroth c/ Broßonn, C- 570/16, point 80).

La position de la Cour de cassation est claire :

« Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne que la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, n’opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d’un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période. Il s’ensuit que, s’agissant de travailleurs en congé maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un Etat membre à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit Etat (CJUE Schultz-Hoff, 20 janvier 2009, C-350/06, point 41 ; CJUE 24 janvier 2012, Dominguez, C-282/10, point 20). »

La Haute juridiction a publié le jour même un communiqué de presse.

Toutefois, comme ont su le souligner plusieurs auteurs, cette solution n’a rien de nouveau.

En effet, la non-conformité du droit national au droit européen en matière d’acquisition de congé payé était régulièrement rappelée par la Cour de cassation, notamment dans ses rapports.

De même, la Cour administrative d’appel de Versailles a condamné l’Etat pour manquement à la Directive de 2003 sur le temps de travail, dans une décision rendue le 17 juillet 2023.

Une modification législative en perspective ?

Le Ministère du Travail a commenté « prendre acte » de l’arrêt de la Cour de cassation et analyser les options possibles.

Il convient de noter que les salariés peuvent revendiquer leur droit à congés payés sans avoir besoin d’attendre une modification de la Loi.

En effet, les dispositions litigieuses doivent être considérées comme inapplicables.

 

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